Rien de mieux qu'un bon bouquin pour oublier ses cauchemars

Tôt ce matin, alors que la Tour des Arcanes était encore silencieuse, étouffée par la beauté de la nuit, le jeune homme avait quitté son lit, terrifié par ses cauchemars. Le passé ne l'aide pas à aller de l'avant parfois. La chaleur apaisante de la cheminée lui rendit son sourire. Il y avait certaines nuits où il aurait voulu rejoindre son maître, comme ça, tout simplement. Mais ça ne lui paraissait pas possible, et encore moins convenable, alors il faisait avec. Cela lui allait, il faisait avec. Lorsque le soleil l'éblouit, Rozen est installé dans le grand fauteuil, face à la haute cheminée. Il a réfléchi, pensé, rêvassé tranquillement. Puis, s'est levé et habillé. Il n'a croisé personne dans les couloirs, a descendu calmement les escaliers.

La bibliothèque était sans doute le lieu qu'il préférait dans toute la forteresse. Il était capable d'y passer la journée entière, sans voir passer le temps. Dans ces étages destinés uniquement à la connaissance, Rozen ne pensait plus à rien, en oubliait ses cauchemars et sa nostalgie. Il profitait de sa solitude pour assimiler davantage de connaissances. Comme s'il supportait le besoin d'emplir sa tête de toute information qui puisse lui passer sous la main, pour ne plus rien ressentir d'autre que l'agréable engourdissement du travail accompli.

"Oh, pardon, je ne voulais pas déranger..."

Rozen lève la tête vers le jeune elfe, visiblement intimidé qui s'adresse à lui. Une pile d'ouvrages vient de se fracasser violemment sur le sol peu loin de lui. Il pensait être bien planqué pourtant. Il sourit simplement, légèrement. Ses seuls vrais sourires ne sont que pour son maître, que pour ceux qu'il considère comme les siens. Il acquiesce de la tête et se redresse, son livre en main. Les étagères semblent s'ouvrir sur lui, une table apparait, dans un coin obscur de cet étage. Il s'y laisse tomber dans un soupir, et rouvre son ouvrage. D'une main, il dessine quelques arabesques sur un parchemin qui traine. Le temps passe...

[Finalement, je finis ça pendant le boulot ._. j'espère que ça te convient =D]

Même dans cette tour, où la connaissance était respectée et recherchée, peu d'élèves venaient hanter les couloirs de la Bibliothèque aussi tôt le matin. Rozen, et quelques autres, étaient les seuls que l'on pouvait croiser, le soleil à peine levé au dessus de l'horizon. C'était le moment que le jeune apprenti préférait. Il était rare qu'on vienne l'ennuyer, ou qu'un bruit malencontreux résonne à cette heure perdue de la journée. Et si, malgré tout, on parvenait à le déranger, il n'avait qu'à s'enfoncer davantage dans les rayons poussiéreux, aux livres épais et parchemins anciens, pour trouver la quiétude que demander sa pleine attention.

Et là encore, Alarin pouvait sans mal le retrouver. Peut-être était-il visible de l'étage supérieur, il n'y avait pas prêté attention. Ou alors, son Maître est comme lui, toujours en quête d'une édition unique de tel ou tel grimoire, et d'un peu de paix et de silence dans cet havre de sérénité. Rozen ne le sent pas s'approcher, mais ne sursaute pas pour autant. Cette présence lui est chère, et pour rien au monde, il ne permettra qu'on la lui retire.

Le murmure qui lui ait adressé fait remonter un frémissement le long de sa colonne vertébrale, et le jeune homme ferme les yeux pour profiter de cette voix, de ces mots. Pour lui, uniquement pour lui. Il hésite un instant à ennuyer son aîné avec les songes qui le tourmentent, mais au final, peu importe. Cela n'intéresse pas son Maître et risque d'ailleurs de ne pas améliorer l'estime que le plus âgé a de son apprenti.

"Je travaille encore, Maître Alarin, comme toujours, oui. Votre nuit fut-elle agréable ?"

Il relève la tête pour sourire avec douceur au Drow, et pose, un court moment, dans une caresse tendre, ses doigts sur les mains placées sur ses épaules. Mais ils ne restent pas, et reviennent à leur place, sur le bord de la table. Il prend une inspiration, réfléchit rapidement, et se redresse sur sa chaise. Son regard se pose sur les arabesques, dessinées précédemment, et du bout des doigt, il en redessine une, pour la voir se faufiler sous ses doigts, et s'enrouler plus haut sur la feuille.

"Maître, existerait-il un moyen, une potion, un sortilège qui permettrait d'oublier les rêves et cauchemars de la nuit passée ?"

Rozen aurait volontiers perdu pied : seuls, dans un rayon oublié, à l'abri de possibles regards... Son Maître tout à lui, ses mains sur ses épaules, le baiser précédent dans son cou. Mais justement, il ne laissait que rarement ses réactions de jeune homme, normale, de désir et d'envie, le diriger, tant que son Maître et amant ne lui donnait pas un signe qu'il pouvait se le permettre. Il respectait Alarin. Il valait mieux qu'il enchaîne sur une discussion et ne laisse pas ses pensées dériver sur une possible activité physique et attirante... Mais ce n'est pas, justement, l'envie qui lui manque...

"Vous auriez du venir me retrouver, Maître, nous aurions... Discuté ensemble."

Son sourire est entendu. Il est vrai que les temps derniers ne furent guère occupés par la passion. Alarin le lui reprochait-il ? Il n'était pas contre reprendre le rythme effrené de la découverte de leur corps. Les démons avaient, en contraste total avec sa peau froide d'homme du Nord, la passion du plaisir dans les veines, sans rappeler son ardeur de jeune gens.

Oh, Rozen n'était hanté que par d'étranges moments de sa vie. Pas ceux qu'un homme normal regretterait et craindrait. Il avait tué bien des hommes durant son errance, avait bien évidemment vengé son père, il avait volé, triché, menti parfois. Tout cela pour survivre, alors qu'à cette époque, il se demandait bien pourquoi il prenait tant de soins à rester en vie alors que la solitude finirait bien par l'achever. Non, ces morts ne le peinaient pas le moins du monde.

Non, ces cauchemars étaient peuplés d'étendues blanches, où il errait et se perdait, sa voix résonnait autour de lui comme s'il était enfermé dans une fiole, et il avait chaud, si chaud, chaud à en mourir, comme brûlé de l'intérieur, comme si un tiers l'avait attaché à un poteau pour le voir incendier au bûcher. Et pour lui dont le sang était glacé dans ses veines, pour qui le froid ne devrait pas être source d'inquiétude, tout cela était horreur. La solitude étreignait son cœur quand il se réveillait, seul bien sûr, dans son lit. Il quittait la quiétude du pesant édredon et ne terminait pas la nuit.

Il réclamait un moyen de ne plus se réveiller glacé par ses songes. D'ouvrir les yeux en pensant juste "tiens, j'ai chaud" et de pouvoir repousser simplement les draps pour ensuite, se rendormir. Rozen avait remarqué que certaines de ses nuits se finissaient plutôt bien : celles qu'il passait auprès de son Maître. Le désir le rendait aussi brûlant que la douleur de ses rêves, mais il ne craignait pas cette chaleur-là, au contraire, il la réclamait. Et, sans doute était-ce la fatigue que lui apportaient leurs activités, mais il dormait comme un bienheureux par la suite. Mais les cauchemars revenaient toujours la nuit qui suivait, sans relâche, pour le tourmenter.

"Se confier est sans doute ce qui est le plus difficile, dans ce que Vous me dites."

Le jeune homme a un sourire entendu. Il se voit mal en parler, et de toute façon, à qui ? Ceux qui savent d'où il vient se moqueraient de lui. Craindre ses origines, sa terre natale, quelle stupidité ! Quant à son Maître bien-aimé... Pourquoi Daible l'ennuyer avec cela ? Ce n'est qu'une broutille. Cela lui passera avec le temps, suppose-t-il. La présence du Drow a fini de chasser les dernières effluves de la nuit. L'idée d'un... Entrainement, qui le fatiguerait convenablement et l'occuperait physiquement, lui plait beaucoup.

"Ce serait avec joie, mon Maître."

C'est l'étreinte qui a suivi la demande qui l'a fait se décider. Il se lève, et chiffonne son parchemin d'arabesques, pour ne pas l'abandonner là. De même, il range consciencieusement le grimoire qui l'occupait depuis l'aube, à sa place. Il n'a jamais aucun mal à retrouver l'endroit exact d'où il tire les lourds ouvrages aux reliures de cuir, dans les milliards de livres qui peuplaient la Bibliothèque de la Tour. Il se tourne ensuite vers son Maître, lui offre un autre de ses sourires. Il le laisse passer, prend sa suite, ne peut s'empêcher de détailler la silhouette du Drow et détourne finalement les yeux, relève la tête.

[J'ignore où tu veux faire ça, et je me dis que peut-être Alarin en souhaitait pas s'entrainer, de suite, mais... Si ça ne convient pas, dis-le moi et je changerais la fin de mon post]