Une fuite réelle, c'est comme pour les chasses d'eau, c'est pas drôle...

Je les vois. Je les vois tous en train de me chercher. Ils s'écartent un peu, le danger devrait être passé. Je continue à ramper. Héhé, heureusement que je suis plus rompue qu'eux dans les arts de l'espionnage. Je sais me cacher, moi, nananère-euh ! Je tire la langue au dos d'un des gardes. Merde, son coéquipier se retourne pour lui parler juste à ce moment là. Il y a un instant de stupeur lui, à moitié tourné, moi langue tiré yeux écarquillés où nous nous regardons. Puis soudain, je le vois attraper son arc. Je rentre la langue et fais demi-tour en vitesse. Puis je bondis derrière une maison. Une flèche me manque de peu. Mais j'ai sali mon uniforme dans la boue. Je ne sais pas ce qui m'embête le plus. Et si je me rendais pour rester propre ?

Mais des voix derrière moi me font bondir. 'la traître est là' disent-ils. Je me remet à courir en tenant mon épée dans son fourreau. Inutile de la sortir, je n'ai pas envie de tuer mes frères. Je tourne, des gardes en face, je tourne à nouveau dans une petite ruelle, je grimpe sur un tonneau, du tonneau au balcon, du balcon au toit, je cours, je saute, change de pâtée de maison puis cul de sac. Plus de toits, juste les échoppes du marché qui se tient là aujourd'hui.

Je me retourne. Les gardes arrivent, une flèche aterrit à deux pas de moi. Plus le choix. Je saute dans le vide, rebondit sur la toile d'un marchand de viande et tombe lamentablement par terre. Je me relève un peu assommée mais les voix derrière moi m'incitent à reprendre ma course. Je cours au bout de la rue mais des gardes font barrage, je fais demi-tour, mes poursuivant arrivent. PLus le choix, je fonce sur le côté. Quatre à quatre, je grimpe les marches menant au temple d'Ouranos. J'en profite pour adresser une petite prière.

*Ô Ouranos, roi des titans, dieu du déplacement instantanné, fais-moi sortir de ce guêpier !*

Je percute un prêtre de plein fouet en entrant dans le temple, je tombe me relève et me remet à courir droit devant sans voir à quoi ressemblait ce devant vu que ma vision est brouillée par le choc. Je sens alors une sensation étrange, un peu comme si je courrais dans du vide, comme si je courrais et que je n'avançais pas. J'accélère. Je ne sais pas ce que c'est mais il faut que je m'en échappe. Et pour ça, courir. Courir sans perdre un instant.

La tactique était bonne : je sens à nouveau le sol sous mes pieds. La tactique était bonne ou presque : il y a une porte juste devant moi. Je la percute de plein fouet, elle s'ouvre ou je la traverse, je ne sais pas trop mais je sais que je me retrouve dans une armure. Je l'ai percutée, je suis tombé et des pièces de métal me recouvrent. J'ai un coup de barre.

"Gnneuh ?"

Je ne bouge plus. Cette course poursuite m'a épuisée. DU moins, je crois. J'ai même pas envie de savoir où je suis, si je suis encore poursuivie. Je m'en contrefiche totalement. Allez, Enchaînez-moi, mettez moi aux fers, mais laissez moi dormir. Je repose ma tête en arrière, je ferme les yeux. Je verrai bien ce qui se passera.

Plus rien. Je n'entends plus rien. Aaah, ce calme, c'est si reposant. Et si rassurant. S'il n'y a plus de bruit, ça veut dire que les gardes ont arrêté la poursuite. Je suis en sécurité maintenant. Où, je n'en sais rien mais j'y suis en sécurité.

Ce n'est pas très confortable mais je n'ai vraiment aucune envie de bouger. Je suis si fatiguée qu'il ne me faudrait rien pour m'endormir. C'est bizarre d'ailleurs, j'ai vécu bien pire sans tomber de fatigue comme ça. Je verrai ça... Plus tard peut-être. Ou plutôt peut-être pas. En fait, je ne sais pas pourquoi je suis dans cet état mais trouver la réponse sera trop compliqué. Tant pis, je resterai dans l'ignorance. Mes descendants pourront se creuser la tête avec ça s'il le veulent, moi, je me contenterai de leur raconter l'histoire.

Puis soudain :

"IIIIIIIH !"

J'ai sursauté, j'ai bondi. La voix m'a surprise ! Une voix, une menace. Je me remet sur pied et porte en un éclair ma main droite au pommeau de mon épée. Cette menace, je vais lui trancher la gorge, je verrai plus tard son identité - à la menace, hein, pas à la gorge vous me suivez ?-

"AÏE !"

J'ai fait un pas en arrière en tenant mon poignet droit dans ma main gauche et je souffle sur mes doigts meurtris.

"C'est pas vrai ! Non, ça va pas bien ! Je me suis cassé un ongle ! Voilà, z'êtes content ? Mais qu'est-ce qui m'a ?"

Je porte un regard sur mon épée. Ou plutôt le machin en métal qui le surmonte. Je le prend dans mes doigts. Gneuh, c'est lourd ! Un heaume ! Le heaume de l'armure s'est retrouvé empalé sur la garde de mon épée ! Je n'avais pas regardé la source du bruit depuis que j'avais ouvert les yeux. Oui, ça aurait pu être un assassin, un garde ou pis encore un caniche nain avec des pompons roses ! Mais vous vous rendez compte de la gravité des faits ? Je me suis cassé un ongle !!! Je pose mon index et mon pouce près du coin de mes yeux pour me calmer. Puis je me tourne vers la source du bruit et je l'examine, je le soupèse.

Lui, il est vachement silencieux. Tellement que je suis sûre que le prêtre ne l'entendrait pas lorsqu'on lui demanderait de prêter serment pour son mariage. En tout cas, il ne ressemble à rien qui ne soit une menace immédiate. Ou à rien d'intéressant. En fait, il ne ressemble à rien tout court. Mais il peut peut-être m'aider.

"Bon. Bonjour avant tout, il faut rester poli quelques soient les circonstances n'est-ce pas ? Hé hé !"

Oui, là, rire gênée, je ne sais pas très bien par où commencer. Je reprends donc :

"Je suis sûre que vous allez pouvoir m'être d'un très grand secours. J'ai besoin d'aide, c'est une question de vie ou de mort. S'il vous plait... Est-ce que vous pouvez... me dire où je peux trouver une lime à ongles ?" Je laisse passer un temps puis je lui tends ma main "Vous voyez, c'est abominable ! C'est d'un moche ! Il faut absolument que vous m'aidiez ! J'ai pas eu le temps de prendre mon set de manucure avant que l'arrêt ne soit tombé ! S'il vous plait !"

Et puis là, technique des yeux du chat potté. Aucun de mes instructeurs n'a pu me dire d'où venait le nom mais cette méthode, je l'ai utilisé des dizaines de fois et elle n'a jamais failli ! Cette lime, je vais l'avoir.

Et bien ? Il n'est pas très rapide celui-là. Il ne fat pourtant pas beaucoup de temps pour me dire où se trouve une lime à ongles. Je dois être tombée sur l'idiot du village en plus d'être tombée sur l'armure. Je hausse les sourcils de stupeur. Quoi ? Il n'a pas de lime à ongle sur lui ? Mon regard descend vers ses mains et une moue de dégoût s'installe sur mon visage.

"Et bien mon brave, ce n'est pas grave. Menez moi en à une et je vous expliquerai même comment on utilise ces instruments.
-Je me demande même qui pourrait en avoir ici... Mais ne vous en faites pas, tout cela n'est que passager...
-Passager ? Vous en avez de bonnes vous ? Ils repoussent en combien de temps vos ongles ? J'en ai pour au moins deux bonnes semaines ! Ah la la", je poussais un soupir, "quel cauchemar ! Pas de lime à ongle ! Comment pouvez-vous vivre ? C'est comme avoir des rues qui ne sont pas dallées ! C'est du barbarisme ! Oh par Gaia et pas Ouranos, quel cauchemar !
-Ce que vous vivez en ce moment est probablement dû au choc de l'arrivée... Vous avez dû vous cogner. Cela va s'arranger dans quelques instants, ne vous en faites pas...
-Qu'est-ce qui doit s'arranger ? Dites donc mon brave, je suis en plein possession de mes moyens ! Enfin, pas de mes moyens financiers parce qu'ici... IL faudra que je trouve le moyen d'acheter une trousse de manucure. Vous connaissez un bon magasin ici ? On est où d'ailleurs ? J'étais dans le temple d'Ouranos et je me suis retrouvée dans cette armure. Oh ! Quelle matinée é-pou-van-ta-ble ais-je vécue ! Vous n'auriez pas un peu de thé et quelques pâtisseries pour me réconforter ? Des encornets, ça peut fonctionner aussi. Vous allez bien mon brave ? Vous pâlissez à vue d'œil..."